Lecture analytique : Une gourmandise, Muriel Barbery (2000) , l'incipit

Texte 10 :  L'incipit, une saveur à retrouver
(p.11-14)


Intro : L’incipit est une sorte de pacte de lecture avec le lecteur. Il présente le personnage principal. Il a un rôle primordial. Il garantit la compréhension et la séduction du lecteur. 
Dans l’œuvre étudiée, il existe une sorte de paradoxe. En effet, le personnage se présente en nous annonçant sa mort. On peut se demander de quoi va parler le roman étant donné que le personnage principal est déjà mourant.


En quoi la voix du personnage permet-elle une présentation efficace de ce critique gastronomique ?



I-                     Une passion pour le gout
a)       Une vie de nourriture
-          Le titre du roman « Une gourmandise »
-          Les titres des sections, ex : « La saveur » pour l’incipit
-          Mise en exergue du mot « saveur »
-          Champ lexical du repas « table » « festin » « gouté » « savourant » « repus » « mets » « gastronomique » « toque » « agape » « cuisine »
-          « des décennies … » l.54 -> deux accumulations + hyperboles
-          « flots de vin » : métaphore
-          Indications de temps « une vie » « décennie » « à toute heure » -> la nourriture est l’essentiel de sa vie. Exclusivité autour de la nourriture.
-          Personnification l.59 -> estomac et foie, seuls amis + majuscules
b)       Le plaisir
-          Hyperbole « agapes somptueuses »
-          « les plus grandes tables de France » -> métonymie
-          « savamment orchestré, minutieusement cajolé » : parallélisme
-          « repus de l’excellence des mets …. Excellence » -> accumulation qui montre que le plaisir de manger et le plaisir de la possession du pouvoir se rejoignent.
II-                   Un personnage de pouvoir
a)       La puissance du critique gastronomique
-          « rue de Grenelle » : rue chic, personnage riche
-          « le plus grand critique gastronomique du monde » : superlatif + hyperbole
-          « cet art mineur s’est haussé au rang des plus prestigieux » -> antithèse
-          Forte présence de la première personne + « a moi et à moi seul » « moi-même » -> égocentrique
-          Enumération de villes situées sur 5 continents l.30 + anaphore -> insiste sur sa renommée, son pouvoir
-          « la gloire … Marquet » : accumulation + métaphores
b)       Un tyran ?
-          Champ lexical du pouvoir « rois » « monarque » « consul » « seigneur » « maitre »
-          Métaphore filée qui faire du narrateur un roi
-          « prenais possession de la table » -> coup d’état culinaire
-          « cette extase de la puissance sans frein » l.15 : hyperbole
-          « les soleils l.3 -> cf Louis XIV ?
-          « comme le consul » l.8 : comparaison -> insiste sur le caractère particulièrement tyrannique du personnage
-          « pour l’éternité, oui l’éternité » : démurge, hyperbole. + « oui » dimension orale
-          « pour l’éternité j’ai épinglé …. papillons » -> métaphore filée entomologique. Soif de pouvoir absolu.
Cependant, alors que le personnage principal apparait tout puissant, il laisse entrevoir ses failles comme le montre l’antithèse l.46
III-                  Les failles du maitre
a)       La mort imminente
-          Anadiplose ou chiasme l.57-58
-          « je vais mourir » x3 + présent à valeur de futur proche
-          « 48h » x2
-          Style directe qui annonce la mort
-          « tant le coupeur s’est aiguisé rapidement » : métaphore mort/cuisine
-          Utilisation des temps du passé (passé composé et imparfait) -> vie terminée, fin proche
-          Contraste avec le présent -> présent de la mort
-          « je meurs » l.60 : le lecteur assiste à la mort du personnage
b)       Le cœur
-          Polysémie :
- organe : « c’est mon cœur qui me lâche » métaphore
- sentiments « détient la clé d’un cœur »
-          Le narrateur de semble pas être capable d’ouvrir son cœur à autre chose que la nourriture
-          Métaphore l.62 : remise en question qui donne de l’humanité au personnage
-          Expression de sentiment : les phrases exclamatives « quelle ironie ! » « quelle amertume ! » -> prise de conscience
c)        Incapacité à retrouver LA saveur
-          La forme négative « je ne parviens pas » « je ne trouve pas »
-          Récurrence du mot « saveur »
-          « cette saveur-la » : forme emphatique
-          « c’est une saveur »
-          « une saveur oubliée, nichée au fond de moi-même » : phrase nominal dont le noyau est la « saveur »
-          « une saveur d’enfance ou d’adolescence » : tournure binaire + paronomase + antithèse début/fin de vie -> cette tournure binaire renvoie à une période de la vie où on aime la simplicité dans les mets ce qui contraste avec les plats sophistiqués que critique le personnage.
-          Cette simplicité est « la seule vérité »

Conclusion : Incipit déroutant, le personnage principal, narrateur, apparait antipathique, égoïste et tyrannique. Il a les caractéristiques de l’antihéros. L’intrigue est aussi déroutante, est absente puisque le personnage st presque mort. Le lecteur comprend qu’il va être invité à suivre le critique gastronomique à travers ses souvenirs afin de retrouver la vérité de sa personne, plus humaine. Le roman semble donc se présenter comme une dilatation de l’épisode de la Madeleine de Proust : il faut aller au bout de la réminiscence et éluder la mystère de cette ultime saveur.