Lecture analytique : l'exorde du Discours sur le Colonialisme, Aimé Césaire






TEXTE 4 : L’exorde du Discours sur le colonialisme, une mise en accusation.




(Extrait 1 p.9)








Le discours est l’art de la rhétorique antique. Il est fait en 5 parties :
-          L’inventio
-          Le dispositio :
- exorde
-developpement (narration + confirmation + récapitulation)
- péroraison
-          L’elocutio
-          Le memoria
-          L’actio

Césaire reprend ici un genre antique : la tradition oratoire du plaidoyer (défendre) et du réquisitoire (dénoncer)


Problématique : Comment Césaire, dès l’exorde, inverse-t-il la supériorité européenne pour montrer que les agissements de l’occident le condamnent paradoxalement à l’affaiblissement ?



I-                    Un état des lieux : l’Europe va mal

    a  )      L’affaiblissement

- impression de 3 maximes qui condamnent la décadence de l’Europe dans les 3premières phrases. Ces maximes comportent un présent à valeur de vérité générale « s’avère » l.1, « suscite » l.2, « est » l.3 …
- « une » est une déterminant indéfini : généralisation
- Les maximes sont mises en valeur par le rythme : anaphores « une civilisation qui » l.1-4-7 et parallélisme de construction « une civilisation qui .. est »
Le locuteur doit capter l’attention des lecteurs/auditeurs
- récurrence du terme « problème» l.2-5-12-12-14-15-46) + ce mot est souvent au pluriel
- Les maximes sont en gradation décadente<atteinte<moribonde
- + personnification qui donne l’impression d’une Europe à l’agonie

L’Europe devient si faible quelle se réfugie dans le mensonge.


   b)      L’impuissance et le mensonge

- champ lexical de l’impuissance : « incapable » (l.1-12) « impuissante l.17, « faibles » l.38
- l’Europe « ferme les yeux » l.4 : métaphore qui dénonce le fait que l’Europe se voile la face
- aveuglement et inaction d’autant plus graves quelle est responsable comme l’indiquent les déterminants possessifs « son fonctionnement» « son existence » (l.2-13) et « ses problèmes» « ses principes » (l.7-5)
- Inaction de l’Europe alors que le problème de doit pas être minimisé « ses problèmes les plus cruciaux » : superlatif montrant à quel point l’heure est grave.
- Pourtant l’Europe n’agit pas et ment -> champ lexical du mensonge « ruse » l.7 « hypocrisie » l.18 « tromper » l.20 « mentent » l.37 « mensonge principal » l.81 …
- Lien logique paradoxal,  la conséquence est inversée l.37. Cela est renforce par le point grammaticalement incorrect ainsi que la présence du « donc » en début de phrase -> mise en valeur de la faiblesse des colonisateurs décrétée par Césaire.




II-                  La mise en accusation de l’Occident

   a)      L’Europe sur le banc des accusés

-Champ lexical de la justice : « incrimine » « déférée à la barre » « se justifier » « juges » « indéfendable s » « acte d’accusation » : Il construit une métaphore filée et met symboliquement en accusation l’Europe
- Tournure binaire avec anaphore  « à la barre de » : charge la culpabilité européenne d’avantage
- Nom de l’accusé mis en valeur par un retardement : le mot « européenne » n’apparait qu’à la 4ème phrase
- Forme emphatique « le fait est que » : introduit cette civilisation
- L’accusée est omniprésente dans le texte grâce à de multiples périphrases « la civilisation dite unique » « civilisation occidentale » -> rythme binaire
- «  cette Europe-là » : montre l’Europe du doigt –> coloration négative
- Guillemets autour de l’Europe
- Italique très présente « L’Europe est indéfendable »
Ce qui est reproché à l’Europe c’est la violence.



   b)      Violences contre l’opprimé

- « le problème de prolétariat  et le problème colonial » : couple opprimé/oppresseur + rythme binaire + anaphore
- Ce même couple est retrouvé « bourgeois » « prolétariat » et « colonisé » « colonisation »
- Vocabulaire Marxiste l.11 qui rappelle la proximité de Césaire avec le communisme
- Verbes qui évoquent la violence l.33 + parallélisme : violence infinie, très étendue
- Les virgules : asyndète + parataxe








III-                L’Europe jugée par le monde

   a)      Une condamnation irrévocable, la révélation de ce qu’est la colonisation

- La faute de l’Europe émane d’elle-même donc elle est la seule coupable : « les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance » : métaphore de la procréation
- « prolifèrent » l.42 : L’Europe a crée le problème de la colonisation elle est donc la seule coupable
- une justification hypocrite «sa défense ne tient pas, repose sur le mensonge : associe la colonisation à la civilisation l.43 + retour à la ligne qui la mette en valeur
-  emploi de l’impératif « allons » + 1ère personne « m’ » -> montre l’investissement de Césaire
- verdict très clair « l’Europe est indéfendable » : « le grave est que l’europe est moralement, spirituellement indéfendable » -> rythme binaire



     b)      L’éveil des peuples

- évocation des régions du globe qui condamnent l’Europe « sur le plan mondial » « stratèges américains » l.23 « les masses européennes » <- métaphore qui crée un effet de nombre
-> gradation dans le nombre des juges
- L’europe est condamnée « des centaine de millions d’hommes » : hyperbole
- Eveil des colonisés avec l’accumulation de pays « Indochine », « Madagascar » « Afrique noire »
- Antithèse l.31 « du fond de l’esclavage s’érigent en juge »
- l.37 ‘leurs maitres provisoires ‘ : l’adjectif évoque la fin de la colonisation ainsi que les guillemets sur « maitre »
- « leurs maitres sont faibles » : antithèse qui montre que les maitres sont finis
- « allons » sonne comme une invitation pour l lecteur à se joindre à cette condamnation mondiale






Conclusion :
Il s’agit donc de l’exorde du discours et Césaire absorbe ainsi son lecteur par des procédés oratoire et visuels. Il faut capter son attention pour mieux le faire adhérer à la thèse soutenue. Dès l’ouverture, la visée de l’œuvre est clairement annoncée : il s’agira de dénoncer la colonisation. En optant pour un substantif colonialisme, Césaire, dès le titre a annoncé son point de vue.